vendredi 25 mars 2022

1834, Un seul lieu pour l'abandon, Poitiers. Le dégoût de Martinet, maire de Châtellerault. #AD86 Série 3X

 




Le Conseil général décide qu'à partir du 1er janvier 1834, les enfants trouvés et abandonnés du département ne seraient plus reçus que dans le seul hospice de Poitiers. 
Les Tours de Châtellerault, Montmorillon, Loudun, Civray sont fermés et les enfants ne peuvent être pris en charge sur place. Il faut les transporter à Poitiers. 
Dans l'intervalle, aucun n'est confié à une nourrice. 
Nous sommes en 1834, les transports sont encore très rudimentaires, il n'y a pas non plus de lait maternisé.

MARTINET, maire de Châtellerault et le Directeur de l'hospice de Poitiers expriment leur réprobation, leur dégoût et les conséquences au Préfet de la Vienne. 

Pas de réponse du Conseil général. 
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Monsieur le Préfet, 
La mesure prise par le conseil général de supprimer les tours des arrondissements, dans lesquels on déposait les enfants trouvés, place l'administration des chefs lieux dans un embarras fort pénible ; voici celui dans lequel nous nous trouvons en ce moment : une fille inconnue est venue chez l'une de nos sages-femmes, pour y faire ses couches ; elle est dénuée de tout, elle ne peut allaiter son enfant ; et sans parents, sans asile, cette malheureuse accueillie par une femme charitable est dans la nécessité de se séparer du fruit de son égarement. Je viens de donner des ordres pour qu'il fut porté à Poitiers ; j'ai assuré la sage-femme que le bureau de bienfaisance l'indemniserait des soins qu'elle a donnés et des frais qu'elle a faits. 
Si pareille circonstance ne se présentait que cinq à six fois par an, ce serait pour le bureau une charge supportable ; les frais de transport des enfants ne grèveraient pas la commune d'une somme considérable ; mais nous ignorons où cela pourra se borner ; nous sommes exposés à ce qu'on regarde la ville de Châtellerault comme une espèce d'entrepôt, où l'on apportera les enfants qui s'en trouveront plus près que de Poitiers : sur quelles ressources prendre les fonds indispensables aux frais des transports aussi éventuels ? Ne serait ce point d'ailleurs nous imposer, par notre prévoyance, une charge que nous ne devrions nullement supporter pour les autres communes ? 
Vous voyez, Monsieur le Préfet, que si je viens vous demander les secours de votre sagesse, ce n'est pas sans un besoin réel ; la matière est bien délicate ; ce sont les premiers soins surtout, que réclame la faiblesse de ces petits malheureux, que nous ne pouvons faire donner ailleurs qu'à l'hospice, s'il était impossible de les transporter : cela peut arriver souvent. Comment en faire entrer d'ailleurs, quand il y a défense d'y recevoir aucun enfant depuis le 1er janvier ? 
Les auteurs de cet essai, que je ne qualifierai pas, de peur de commettre une injustice, auraient du organiser des espèces de convois dans chaque chef-lieu de canton, qui auraient reçu et transporté les enfants trouvés tous au même point, puisqu'on a pensé que cette mesure pouvait produire de bons effets. Toutefois, dans l'état actuel des choses, je prévois beaucoup d'embarras, de dépenses, et je dirai, de dégoût, car il est bien pénible de se voir obligé d'exposer à beaucoup d'accidents, les pauvres êtres qui ne demandent que des soins et du repos ! 
Veuillez accueillir avec bienveillance la demande que j'ai l'honneur de vous adresser et recevoir Monsieur le Préfet, l'assurance de mon respect. 
Martinet. 

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La commission administrative des hospices de Poitiers
A M. le Préfet de la Vienne
Monsieur le Préfet, 
Chaque jour nous apporte de nouvelles preuves de l'erreur dans laquelle s'est jeté le conseil général en supprimant les tours des arrondissements et notre devoir comme protecteur des enfants trouvés, est de vous signaler les abus auxquels cette mesure donne lieu, afin que vous puissiez en faire part au conseil général, à sa prochaine réunion, et l'engager à revenir sur sa décision, que nous regardons comme si contraire à l'intérêt des enfants et à la morale. 
Depuis le 11 jusqu'au 25 janvier dernier, cinq enfants ont été apportés à l'hôpital général : 3 de Châtellerault, un de Montmorillon et un un de Saint-Secondin, arrondissement de Civray. L'un des enfants venus de Châtellerault, né très fort est mort peu de jours après avoir été privé de soins pendant plusieurs jours, celui de Montmorillon, né le 20, exposé le 21 à la porte d'une sage-femme, n'est arrivé au dépôt que le 25 et ce n'est qu'à force de soins qu'on est parvenu à le conserver. 
La suppression des Tours n'a donc pas pour résultat de rendre moins fréquentes les expositions, mais de faire périr beaucoup d'enfants, et d'aggraver les positions déjà si fâcheuses des hôpitaux de Poitiers, car tous les enfants ne sont pas placés à la campagne et c'est là une des causes, la principale cause de l'accroissement que reçoit la population de l'hôpital général. 
Que les enfants soient exposés à Châtellerault, à Montmorillon et à Loudun, ou qu'ils le soient à Poitiers, la dépense est toujours la même pour le département ; mais la chose n'est pas indifférente pour les établissements confiés à nos soins. 
Agréez Monsieur le Préfet, l'assurance de notre respect. 

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