jeudi 14 novembre 2013

Le curé sauve sa tête ! Lulu Sorcière Archive dans Centre Presse - 14/11/2013.


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Capion, vicaire à Thenezay, a prêté serment à la République et vient à Poitiers se marier ! Qu'a-t-il pu dire à la Porte de Paris ? Toujours est-il, qu'il est dénoncé pour suspicion de propos contre-révolutionnaires :

Plus d’une centaine de prêtres de tous âges, de toutes conditions, arrêtés, guillotinés ou déportés dans les Archives Criminelles Révolutionnaires. Rares sont ceux qui purent se défendre.
Capion bénéficia du soutien de sa commune, mais son arme secrète c’est sa plume !

Il est à présumer Citoyen, que l’on a trompé ta religion sur
ma conduite. Car il ne tombe pas sous le sens que tu ais mis depuis plus d’un
mois un citoyen en arrestation sans avoir pris
des renseignements pour savoir s’il est coupable ou non.
Sans chercher ici à connaitre mon calomniateur,  je me bornerai à analyser autant que le petit
espace de cette feuille me le permettra, la conduite que j’ai tenu depuis le
commencement de la révolution jusqu’au moment de mon arrestation.
Le fils d’un simple bucheron a qui la fortune ainsi qu’à son
fils  avait constamment tourné le dos, ne
peut avoir par sa naissance aucun motif qui
l’attache à l’ancien régime…
Celui qui travailla aux ouvrages pénibles de l’agriculture
jusqu’à 22 ans et qui ne cessa ce louable exercice qu’à la sollicitation de
quelques personnes qui croyant lui rendre service en le portant à se faire
prêtre, qui ne parvint à ce ci-devant état que par charité, qui depuis ne vécut
jamais que de charité, n’était certainement pas payé  pour être attaché à l’ancien régime….
Celui qui avant la Révolution n’avait jamais pu lier avec
les ci-devants nobles, ne peut être suspecté d’avoir adhéré ni trempé dans
leurs complots  contre la liberté du
peuple…
Celui qui sans hésiter, à prêté tous les serments prescrits
par les décrets et qui a toujours  tenu
une conduite conforme à ses serments, n’a pu avec justice être argué
d’incivisme….
Celui qui en public comme en particulier, a non seulement
presché l’obéissance aux loix et sollicité la jeunesse à voler à la défense de
la patrie, mais encore quoique  fort
pauvre, a donné à  plusieurs reprises à
boire et à manger et encore de l’argent, ne peut vraiment pas être regardé
comme contre-révolutionnaire.
Celui qui en 1792, sut inspirer à son frère âgé de 48 ans,
le désir et la volonté d’aller par les frontières pour défendre sa patrie, et
qui non obstant sa modique fortune lui donna à son départ la somme de cinquante
livres et qui depuis lui envoya encore à différentes fois, n’était certainement
pas l’ennemi de la patrie.
Celui qui au mois de Brumaire dernier, par ses soins et ses
dépenses redoublés, arracha des bras de la mort, un autre frère agé de 45 ans,
qui sortait des prisons de Saint Florent où il avait été détenu par les
Brigands, depuis le 5 Juillet de la même année, n’avait certainement pas varié
dans ses sentiments.
Celui qui dans le courant de Frimaire dernier, eut la
commission de faire le recensement des grains et de la population dans la
commune de Vasles, commission dont il s’acquitta avec autant de fidélité que de
zèle, n’était sans doute pas vu de mauvais œil par l’administration de son
district.
Un cidevant vicaire, qui a cessé dès le mois de Nivose
inclusivement toutes fonctions et depuis cette époque s’est totalement livré
aux pénibles travaux de l’agriculture ne peut sous aucun rapport être accusé
d’avoir troublé l’ordre ni manifesté aucune
mauvaise intention.
Enfin celui qui dans le courant de Floréal dernier fut
demandé par la municipalité pour être son
secrétaire greffier, et à laquelle demande, le Directoire du District de
Parthenay ne refusa son adhésion qu parce que celui-ci n’était pas marié,
n’avait certainement pas perdu la confiance de sa commune.
Celui-ci enfin, qui le dernier jour de Floréal n’était parti
de son domicile pour venir dans cette ville qu’avec des vues qui n’étaient rien
moins qu’inciviques, puisque c’était définitivement pour se marier à une
habitante de cette ville, ainsi qu’il en avait instruit sa municipalité avant
son départ. Peut-il être regardé comme suspect et être traité comme tel ?
Ce peut-il faire que dans un seul instant, un républicain, un vrai sans-culotte
ait perdu sa liberté ; ensemble tous les moyens de se faire
entendre ?
Sois bien persuadé Citoyen, que le républicain qui te parle
avec autant d’assurance que de franchise, souffre tous les maux imaginables, et
que le plus cruel  est de se voir
confondu avec les ennemis de la chose publique pour qui  sa détention
est un sujet d’alégresse, parce qu’il disent voyez à quoi lui a
servi  son patriotisme ? Ils
prennent de la occasion de calomnier les amis de la République.
Daignez Citoyen prendre en considération toutes ces
vérités.  Si j’ai été dénoncé, ce que je
ne puis croire ; fais moi part  des
griefs dont on m’accuse ; tu apprendras bientôt, que tu as oté la
liberté  à un citoyen qui n’a jamais
mérité de la perdre.
Ah cher Citoyen ! Si dans le moment où je te vis à la
Porte de Paris, j’eusse eu le bonheur de te connaitre que je me serais épargné
des peines : mais ne sachant pas que tu étais ministre de l’autorité
populaire, c’est ce qui fit que je ne te donnais pas une réponse aussi
satisfaisante que j’avais fait. Souviens toi, aussi cher Citoyen que tu me
promis de me revoir le lendemain, je suis encore à t’attendre et comme j’ai
encore quelque chose à te dire et que sous tous les rapports je ne puis confier
au papier, je te prie au nom de ce qu’il y a de plus sacré dans l’humanité de
venir me voir promptement et tu feras justice.
Salut et Fraternité.
Capion.
De la cidevant Visitation, le 6 Messidor An 2 de la
République Française, une indivisible et impérissable.




Exception à la règle de cette Terreur anti-cléricale, Capion sera libéré le 10 Messidor.