lundi 25 mars 2013

Pétition AAF contre la lobotomie des Archives !



C'était  la semaine du cerveau, l'Association des Archivistes de France avait sonné l'alarme, lorsque j'ai écrit ce billet, il y a dix jours... Il est encore temps d'y penser et utile de manifester sa désapprobation par l'intermédiaire de cette
Pétition ! 
A vos signatures !

L'amygdale cérebelleuse est petite et chatouilleuse. C'est là que se logent les mauvais souvenirs et l'émotion qui les accompagne. A peine un mot, parfois un regard, une musique, une vieille photo, et les larmes remontent, débordent, longtemps, longtemps, longtemps après.Tout le temps des vivants.
Et nous voilà désemparés devant papi qui ne peut raconter les camps sans dévaster les mercredis de ses p'tits enfants.
Une fois l'émotion réveillée, il faut mobiliser toutes les aires de la conscience, du corps, du langage, pour remettre ce mauvais souvenir à sa juste place. Pour refermer la boite.
Pour une parole malheureuse, des jours de boulot.
C'est ça l'oubli.
L'oubli c'est sans doute la plus grande capacité de l'homme, bien plus grande que la mémoire, vital, l'oubli c'est le passé apaisé, le présent possible, l'avenir en marche.
Mais l'oubli c'est un leurre, comme dit le poète, on n'oublie rien, on s'habitue c'est tout...
Respecter l'oubli, c'est respecter les silences, tendre la main pour aider l'autre à reprendre ce train de la vie, qui file trop vite pour ceux qui trébuchent.
Respecter l'oubli, comme une politesse pour aider l'amygdale cérebelleuse à rester blottie dans cette boite cranienne étroite, à sa juste place.
Respecter l'oubli, comme un silence tacite qui chuchote.
Respecter l'oubli, respecter l'émotion des vivants, c'est permettre l'évocation, comme une mise au monde, le temps du souvenir prendra du temps et viendra peut-être.

Le droit à l'oubli c'est autre chose, c'est la police de la politesse. C'est faire des larmes une infraction, c'est lobotomiser l'amygdale, c'est interdire l'émotion...
Le droit à l'oubli à se faire loi, oublie la conscience. Qui encore veut prendre conscience du pouvoir de nuisance qu'il a sur l'autre ? Apprendre à se taire, apprendre à attendre les mots de l'autre.
Le droit à l'oubli se conjugue au présent, pas au passé lointain. Qui appelle encore à la conscience de l'autre ?

Anonymiser les archives c'est détruire ce qu'il reste de vivant chez les morts, c'est priver sa propre amygdale cérebelleuse, de sentir à travers un nom retrouvé, une écriture signée, le sel des larmes d'un autre.
Bien malheureux celui qui n'a jamais senti une amygdale pleurer.
Anonymiser les archives c'est se voiler la face.
Cora, Hortense, Bonaventure, Grelu, Abraham, Isaac... Gloria.
Leurs noms, leurs prénoms parlent, se répondent, se marient, se révoltent, se soumettent, apprennent, dessinent des visages, démentent les futurs attendus.
Anonymiser les archives c'est faire de nous des voyageurs perdus dans un monde sans visage, où plus aucun fantôme ne prendra jamais la main des lecteurs décérébrés que nous serons devenus.

 

Anonymiser les données des Archives, c'est guillotiner l'histoire.