jeudi 12 décembre 2013

Voler et brûler les pieds - Lulu Archive dans Centre Presse - 12/12/2013

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On n’alarmera jamais assez sur les dangers des feux de cheminée,  par les hivers qui grelottent ! Mais ils ne sont pas toujours ceux que l’on craint. Les Brûleurs de pied sont des saisonniers, portés par les vents froids, la neige et les frimas, poussés par la faim et la misère. Hordes sauvages, ils tracent leur route de village en village, de maison en maison. Ils sont prêts à toutes les extrémités en s'attaquant aux nôtres, pour arriver à leurs fins... Craignons les braises sur lesquelles souffle la misère !
Lorsqu’ils arrivent à huit la nuit du 11 Prairial An IV, les Barré de Coussay sont couchés. Ils s’emparent du vieux, sous les yeux de sa femme. Ils le ligotent, le frappent, le jettent à terre, s’emparent de ce qui leur parait être de valeur. Mais le butin est maigre, comme souvent. Alors, ils jettent un jupon sur le visage de la vieille, la ligotent à son tour, et commencent la torture, avec méthode, tellement à l’identique d’une agression à l’autre, d’un village à l’autre, d’une région à l’autre, que la justice en fait un délit à part entière : « vol et brûlements de pieds ». Une méthode qui ressemble à un rituel, qui sévit à travers la France,  à tel point que la presse s’en inquiète, à tel point que les élus s’en alarment. Les bandes se connaissent, les procès se recoupent.
Le but n’est pas de tuer, mais de trouver le magot. Les blessures infligées sont toujours graves, elles laissent des séquelles et la mort est souvent au bout de cette nuit noire. Les brûleurs de pieds sont dans la Vienne. Leur arme ? La cheminée de la maison. Ce soir là, le fils Barré 22 ans les a entendus arriver. Il est allé chercher les voisins. Les voleurs s’enfuient en catastrophe, laissant derrière eux un bâton et un couteau. Louise Guillon, sa mère, est blessée, gravement. Une semaine après l’attaque, les procédures commencent. Louise raconte. Elle a reconnu le bâton d’un certain Leclerc, les quatre qui étaient dans la maison avaient un fort accent loudunais et ressemblaient à des bourgeois. Etienne, le fils Barré revient sur ses déclarations et dénonce. Ce sont les frères Gaubert² qu’il a vus ainsi que Suffiseau et Leclerc le cordonnier. Leclerc avouera, mais dira avoir été entrainé. Il charge Suffiseau et les frères Gaubert. Suffiseau nie. Il dit que c’est son libertinage qui le perd, qu’on cherche à se venger de lui ! Les frères Gaubert nient aussi. François Suffiseau  Pierre et René Gaubert  François Provost, Pierre Leclerc et Louis Meunier sont condamnés à mort.  Gasselin , le joueur de violon est condamné par contumace.
L’affaire prend de l’ampleur, des clans se forment, des témoins viennent défendre Suffiseau et les frères Gaubert,  tandis que d’autres les accablent. Mauvaise vie, petits larcins, tout est à charge. L’appel très circonstancié, sur une bonne vingtaine de pages, plaide le doute. En vain.
 Les six doivent être exécutés dans les 24 H. C’est la loi. Impossible dit le bourreau, ils sont trop nombreux ! Il demande de l’aide et l’exécution est reportée au 30 Messidor. Les condamnés arrivent sur la place de la liberté à Poitiers en tombereau sous grosse escorte. L’ordre est difficile à maintenir… Juste avant l’exécution, Pierre Leclerc, et Louis Meunier tout en donnant des précisions sur d’autres affaires similaires en cours de jugement, disculpent Pierre Gaubert, en vain, il sera comme les cinq autres, guillotiné.