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La poudre de succession : Arsenic la bien nommée ! Insecticide,
pesticide, disponible, comme la haine qui suinte des murs aux oreilles
assourdies de querelles ménagères. On la croit du genre féminin, c'est faux. Au
Master-Chef de la paix des ménages, les marmitons s’accordent essentiellement
au masculin !
Voyez Bardon, en 1804, garçon meunier au moulin Leroy à la
Chapelle-Montreuil. Il rentre chez lui et cherche à éloigner épouse et enfants.
A ses filles, il propose du migé qu’il a fait lui-même ! De retour, la femme
Bardon trouve les petites épuisées de douleurs abdominales. Elle accuse son
mari. Les enfants vomissent du sang et on trouve dans les matières une substance
blanche : le crime est signé ! Le bruit se repend : Bardon a voulu
assassiner ses enfants ! La plus jeune succombe au bout de 7 jours de
souffrance. L'ainée se remet. On ordonne une enquête et une autopsie. Pas de
trace du poison. Bardon est acquitté.
A Sossay, la même année, Louis Lambleux est furieux. L’héritage de
sa belle-mère va lui passer sous le nez. Lambleux va chez sa belle-soeur jouer
les marmitons. Il s'assoit près du feu, fait mine de surveiller la soupe, va
jusqu'à « tourner la cuillère pour faire rentrer le chou dans le pot » !
Quelle sollicitude ! A sa main, une
tabatière qu'il ne quitte pas... La vieille, sa seconde fille, hormis Lambleux,
toute la tablée est prise de maux de ventre! Même les chiens à qui l’on a donné
les restes vont mal ! On ne roule pas comme ça une belle-mère dans
l'arsenic ! Les soupçons s’installent. Trois ans plus tard, un soir de Nivôse,
on trouve Audouard, assassiné sur le
chemin. Lambleux le coléreux l'avait menacé ouvertement devant témoins. La
gendarmerie trouve chez lui des vêtements tâchés de sang, fraichement lavés.
L’arsenic est un plat qui se mange froid, Lambleux est inculpé pour les deux
affaires. Le tribunal ne retient pas l'empoisonnement, mais le condamne à 20
ans de fers pour le meurtre d’Audouard.
Et que dire de Dubreuil à Jaunay-Clan ? Ce soir d’octobre
1794, il rentre tard. Taciturne et titubant . Sa femme s’éloigne quelques
instants. A son retour dans la pièce, elle trouve son homme détendu, presque
tendre. Il lui propose de boire le potage qu’elle a cuisiné. Elle se méfie et
quitte la pièce. Lui part chasser dans la nuit. Tranquille enfin, dans la
maison vide, elle revient se servir un bol de soupe.
Est-ce l'amerture de sa morne vie qui à la première gorgée, glisse
dans son corps un gout acre ? Sous sa langue roulent des petits grumeaux durs,
comme autant de grains au sablier du temps perdu. Elle croit comprendre,
se précipite chez sa voisine, La femme L'Epée. Dubreuil a empoisonné la soupe,
elle le sait ! A la surface du potage, une poudre blanche flotte. Au
retour du mari, L’Epée accuse. Dubreuil jette le pot à terre
comme un aveu. En attendant les gendarmes, La femme L'Epée recueille
quelques grammes de poudre sur le bord de la terre cuite brisée et les
enveloppe dans un petit papier. Le mari violent est arrêté.
On perquisitionne la maison. La voisine confie son trésor
aux enquêteurs. C’est bien de l’arsenic ! Certes l’épouse est battue
régulièrement, mais il n’y a pas mort d’homme, et la présomption d’innocence
vaut à Dubreuil d’être acquitté…
Parmi tous ces toqués des crimes assaisonnés, bien peu payèrent la
note et l’indulgence du jury en laissa sans doute plus d’une sur sa faim…
Source : AD 86.