jeudi 19 décembre 2013

Arsenic et vieilles archives. Lulu Sorcière Archive dans Centre Presse - 19/12/2013.

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La poudre de succession : Arsenic la bien nommée ! Insecticide, pesticide, disponible, comme la haine qui suinte des murs aux oreilles assourdies de querelles ménagères. On la croit du genre féminin, c'est faux. Au Master-Chef de la paix des ménages, les marmitons s’accordent essentiellement au masculin !
Voyez Bardon, en 1804, garçon meunier au moulin Leroy à la Chapelle-Montreuil. Il rentre chez lui et cherche à éloigner épouse et enfants. A ses filles, il propose du migé qu’il a fait lui-même ! De retour, la femme Bardon trouve les petites épuisées de douleurs abdominales. Elle accuse son mari. Les enfants vomissent du sang et on trouve dans les matières une substance blanche : le crime est signé ! Le bruit se repend : Bardon a voulu assassiner ses enfants ! La plus jeune succombe au bout de 7 jours de souffrance. L'ainée se remet. On ordonne une enquête et une autopsie. Pas de trace du poison. Bardon est acquitté.
A Sossay, la même année, Louis Lambleux est furieux. L’héritage de sa belle-mère va lui passer sous le nez. Lambleux va chez sa belle-soeur jouer les marmitons. Il s'assoit près du feu, fait mine de surveiller la soupe, va jusqu'à « tourner la cuillère pour faire rentrer le chou dans le pot » ! Quelle sollicitude !  A sa main, une tabatière qu'il ne quitte pas... La vieille, sa seconde fille, hormis Lambleux, toute la tablée est prise de maux de ventre! Même les chiens à qui l’on a donné les restes vont mal ! On ne roule pas comme ça une belle-mère dans l'arsenic ! Les soupçons s’installent. Trois ans plus tard, un soir de Nivôse, on trouve Audouard,  assassiné sur le chemin. Lambleux le coléreux l'avait menacé ouvertement devant témoins. La gendarmerie trouve chez lui des vêtements tâchés de sang, fraichement lavés. L’arsenic est un plat qui se mange froid, Lambleux est inculpé pour les deux affaires. Le tribunal ne retient pas l'empoisonnement, mais le condamne à 20 ans de fers pour le meurtre d’Audouard.
Et que dire de Dubreuil à Jaunay-Clan ? Ce soir d’octobre 1794, il rentre tard. Taciturne et titubant . Sa femme s’éloigne quelques instants. A son retour dans la pièce, elle trouve son homme détendu, presque tendre. Il lui propose de boire le potage qu’elle a cuisiné. Elle se méfie et quitte la pièce. Lui part chasser dans la nuit. Tranquille enfin, dans la maison vide, elle revient se servir un bol de soupe.
Est-ce l'amerture de sa morne vie qui à la première gorgée, glisse dans son corps un gout acre ? Sous sa langue roulent des petits grumeaux durs, comme autant de grains au sablier du temps perdu. Elle croit comprendre, se précipite chez sa voisine, La femme L'Epée. Dubreuil a empoisonné la soupe, elle le sait !  A la surface du potage, une poudre blanche flotte. Au retour du mari, L’Epée accuse. Dubreuil   jette le pot à terre comme un aveu. En attendant les gendarmes, La femme L'Epée recueille quelques grammes de poudre sur le bord de la terre cuite brisée et les enveloppe dans un petit papier. Le mari violent est arrêté.
On perquisitionne la maison. La voisine confie son trésor  aux enquêteurs. C’est bien de l’arsenic ! Certes l’épouse est battue régulièrement, mais il n’y a pas mort d’homme, et la présomption d’innocence vaut à Dubreuil d’être acquitté…
Parmi tous ces toqués des crimes assaisonnés, bien peu payèrent la note et l’indulgence du jury en laissa sans doute plus d’une sur sa faim…
Source : AD 86.