lundi 10 juillet 2017

La colère du fou - Senillé - 26 Mars 1796



Dans la série des Polars de l'été ;)

Se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment,
 le 26 Germinal de l'an IV ( 26 mars 1796 ), à Senillé...

 Antoine COUDREAU va mal, très mal, ça fait cinq à six jours déjà que tout le monde le voit errer, délirer, il a 50 ans, il est blatier
Ce samedi là, près de la Fontaine aux Roches, sur la route de Châtellerault, il croise Anne HYVERT, sa voisine depuis 20 ans, la femme de JOUBERT, le métayer du Grand Poirier.
 Le sent-elle menaçant ? Lui fait-il pitié ? 
"Mangez mon pain COUDREAU." seront ses dernières paroles,
 entendues par les trois témoins qui se trouvent alentour ( Jeanne JOUBERT, Marie PRIEUR et Madeleine MEUNIER). 
A peine les a-t-elle prononcées, que COUDREAU se jette sur elle, la renverse à terre et s'acharne sur son visage, sur son corps, armé d'un caillou,  violence inouïe de l'agression, force de l'agresseur. Malgré l'intervention des témoins, Anne est grièvement blessée. Transportée chez elle, elle y décède rapidement. 

COUDREAU s'est enfui.
 On le retrouve chez lui, chantant, délirant, agité, impossible à interroger. 

Au premier interrogatoire, en prison, on en sait un peu plus. Antoine COUDREAU dit avoir entendu un ordre venu d'en haut. Il a frappé en disant 
" c'est la colère de Maman qui vous frappa".
Il confirme qu'Anne est sa voisine depuis 20 ans puis se mure dans le silence. 
Au second interrogatoire, il semble y voir plus clair, parait plus calme, parle de sa santé. Depuis un an il souffre de "pesanteurs de stomach" qui lui font courir la campagne. Il semble avoir conscience de ses troubles mentaux. 

En prison, il va sans doute mettre une belle pagaille, car ses actes de folie sont mentionnés avec insistance. 

Fou à lier.... 
A tel point qu'il ne sera pas jugé.
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Source : ADV Cote L SUPPL 405
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Cette histoire interpelle à plusieurs titres :

-  Quelle est cette "colère de Maman" ? Et qui est Maman ? Ne cache-t-elle pas un secret entre les deux familles, un de ces si nombreux différents de voisinage qui furent à l'époque et sont encore aujourd'hui trop souvent à l'origine de gestes criminels ?

- La folie meurtrière est ici reconnue pour la première fois dans les dossiers que j'ai dépouillés. Notée, précisée. Elle change le regard de la justice et amène à suspendre le procès. Nous sommes à l'époque de la Révolution psychiatrique. Pinel va libérer les fous de leurs chaines, de leur abandon et reconnaitre leur pathologie. Ce procès est peut-être l'illustration de cette nouvelle approche...

Notre pauvre Antoine est blatier, c'est à dire farinier, grainetier, vendeur de blés. Pourrait-il être atteint d'ergotisme, maladie de l'ergot de seigle qui peut provoquer des hallucinations ? C'est une hypothèse à retenir.