mardi 4 juin 2013

Dans Centre Presse aujourd'hui !






page 5 Jeanne fille de père inconnu et de Marie La Carte veuve de défunt Bourdilleau a esté baptisée le jeudy deuxième novembre mil sept cens treize ses parrain et maraine pierre Chevet et jeanne Gracieux qui ont déclaré ne scavoir signer Aubry Curé d'Arçay.
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 Page suivante La fille de père inconnu et de Marie La carte âgée de seize jours est décédée et a esté inhumée dans le cimetière des innocents le samedy dix huit novembre mil sept cens treize. Cet enfant est mort de force car sa malheureuse mère l'ayat mis au monde le porta de nuit deux jours après son accouchement à la porte de Jean La Carte son oncle qu'elle a toujours dit en estre le père, il faut rapporté par ..... sur la croix du Carrefour de devant l'église et exposé dans ce lieu pendant plus d'une heure à la rigueur du froid et férocité des animaux ; enfin certaines considérations l'en firent oster par la nommée Jamin femme du dit La Carte qui a eu soin de l'allaiter pendant le susdit temps avec un peu de lait qu'elle lui faisait prendre dans une cuillère. funestes actions que Dieu vengeur des Crimes ne laissera pas impunies.

Un curé indigné - Lulu Sorcière Archive dans Centre Presse - 04/06/2013.

Source AD 86 - Pour bien visualiser l'image, cliquez droit et ouvrir dans une nouvelle fenêtre. 


A Arçay en 1713, deux femmes et un enfant, le Curé Aubry est indigné !

Des malheurs d'enfants, le curé Aubry en a vu d'autres.
Le Jeudi 2 novembre 1713, il baptise Jeanne, fille de père inconnu.
Sa mère, Marie La Carte est  veuve de Bourdilleau.
Nombreuses sont les veuves au XVIIIème siècle qui se retrouvent mendiantes. Certaines se prostituent pour un peu de nourriture ou quelques sous.
Aussitôt engrossées, aussitôt délaissées.
Même nommé, dénoncé, déclaré, le géniteur n’assume la plupart du temps, ni la grossesse, ni l’enfant.
Jeanne accouche probablement seule, ce jeudi-là.
La douleur des contractions mûrit son amertume, sa révolte gronde.
Dès son premier cri, Marie rejette cette petite fille, fruit d'une vie de misère, d'humiliation et de violence.
Marie La Carte sait bien à qui elle la doit cette violence, et cette haine qui monte et lui fait rejeter ensemble le sort et l'enfant. Cet enfant, bien vivante, dont les cris l'exaspèrent.
Marie porte l'enfant au curé qui la baptise Jeanne, ne trouve pas les mots pour apaiser la mère et ne désigne pas le père. Pourtant Aubry sait qui est le père.
Marie tient deux jours. Puis craque.
Il n'est pas d'elle cet enfant ! Il est à son oncle, c'est lui qui la force, qui l'achète !
Marie perd la tête. Il fait froid cette nuit de novembre, mais rien ne l'arrête plus. Elle court porter la petite Jeanne, deux jours, à la porte de l'irresponsable !
L’enfant hurlera une heure dehors, seule dans l'hiver et face au danger des animaux errants et féroces.
C'est la femme Jamain, la femme trompée, qui aura pitié.
C'est elle, Renée, qui va la décrocher de la porte, qui va la nourrir... à la cuiller d'un peu de lait.
Deux femmes meurtries. L'une rejette l'enfant, l'autre tente de le sauver.
Comment devient-on mère, comment ne le devient-on pas ?
"Certaines considérations l'en firent oster"....
Renée Jamain trouve-t-elle dans ce panier l'enfant qu'elle aimerait porter ?
Espère-t-elle en le sauvant conjurer le sort, ramener son homme dans son lit, unir son destin à celui d'une autre injustice ?
La petite Jeanne meurt 16 jours après son baptème.
Aubry, le curé d'Arçay indigné par la  disparition de ce bébé, tout autant que par l'inconséquence de ses géniteurs, promet dans l’acte de décès du nourrisson, la colère de Dieu aux responsables, et désigne enfin le père...
Renée Jamain a-t-elle pleuré cet enfant ? Sans doute.
Jean La Carte a-t-il exprimé des regrets, des remords ? Peut-être.
Ensemble, ils seront parents l'année suivante.
Un petit René naît le 16 Aout 1714, dix mois après la mort de la petite exposée.
L'histoire ne dit pas ce qu'est devenue Marie La Carte. Le registre ne lui mentionne aucun autre enfant.

Source : AD 86 BMS Arçay 1713/1732 page 5
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