mercredi 4 avril 2018

On ne fauche pas que les blés. Chronique de Thierry Péronnet

(Présidial de Poitiers 1-B-2-2 greffe criminel)


Le 03-09-1678 M° Luc COUTOCHEAU, conseiller du roi et magistrat au présidial de Poitiers, ouvre une information à la requête de François ALLAIN laboureur à bras.
Le cheval de ce dernier a été tué d’un coup de faucille.
Selon Catherin BERTHIN 20 ans, journalier du village de Cloistre de Vendeuvre, a vu le cheval dans le pré du moulin de Train qui faisait des dégâts en mangeant des javelles* de froment. Michel MARIN valet de DESCHAMPS le métayer du sieur PESTRE gendarme du roi et Jacques MARIN praticien à Jaunay ont alors tenté de chasser l’animal, c’est le premier qui « bailla un coup de fossille dans les flancqs dudit cheval ». Catherine BERTHIN ne sait si « c’est de malice ou sans y panser » que le coup fut donné et ne peux en dire plus. Toujours est-il qu’une à deux heures plus tard le pauvre animal en mourut. Marie 12 ans fille de Vincent JOUBERT journalier est interrogée à son tour, comme elle aller laver du linge à la rivière elle passa le long du pré, elle a bien vu le valet donner le coup de faucille. Elle confirme que le cheval mangeait des javelles de froment et qu’il est décédé peu de temps après bien qu’elle ne l’eut pas vu mourir. Un autre témoin, Jeanne DREDILLE 20 ans femme de René DORAT laboureur, était à la rivière entre Jaunay et le moulin de Train, le vendredi huit jour auparavant, avec Marie JOUBERT assise au bord de l’eau. Elle a bien vu le cheval qui courait « avec la faucille au ventre ». Ensuite elle a vu Michel MARIN accourir et enlever prestement ladite faucille. Ces dernières ne peuvent en dire plus sur ce drame.
A-t-on affaire à un simple mais fatal accident ou bien à un valet ayant fait preuve de cruauté envers le cheval ? A t-il voulu seulement piquer le flanc de la bête pour l’obliger à partir et son coup a t-il été mal contrôlé? En 1678 un cheval a une grande valeur, il sert autant au transport des hommes et des marchandises qu’au travail des champs, sa perte est forcément problématique pour son propriétaire. Les récoltes ont aussi leur importance, si elles sont bonnes cela assure une bonne année à venir et les semences pour la suivante, perdre une partie de celles-ci par les dégâts provoqués par des animaux sauvages ou domestiques n’est guère tolérable pour les petits paysans de la fin du 17ème siècle.
Le moulin du Train se situait sur la rivière « le Pallu » à la limite entre les paroisses de Vendeuvre et de de Jaunay-Clan (commune ancienne phagocytée par l’actuelle commune de Jaunay-Marigny).

*javelles de froments « poignées de froment »

mardi 3 avril 2018

#ArchiLoup y es-tu ? #AD86 Presse en ligne.


Tableau de chasse le 25 janvier 1914. M. MALAPERT et MARTINIERE ajoutent 
REMBUCHER : suivre la voie d'un grand animal jusqu'à ce qu'il soit rentré dans son enceinte boisée. 
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vendredi 30 mars 2018

Quand les curés du XVIIIème luttaient contre les charlatans ! #ArchInsolite



20 décembre 1780 à Moncontour (86330), FRANCE
Notes : l’an mil sept cent quatre vint le vint decembre a 
eté batisée sous condition ayant eu lieu de douter 
de la validité de l’ondoyement ui luy a été administré 
a la maison a cause du danger de mort marie née 
le jour précédent à dix heures du soir fille 
du soi disant jacques michel orry depuis quinze jours 
demeurant en cette paroisse ou il a paru en qualité 
de charlatan et d’henriette savant légitiment 
mariés comme il parais par un extrait de mariage 
qu’il ma montré en datte du vint avril mil sept 
cent soixante dix neuf signé guyare prieur de... 

Moncontour BMS 1772-1792 page 57


jeudi 29 mars 2018

Les deniers de sa majesté - Les chroniques de Thierry Peronnet.

Justice seigneuriale de Dienné et Verrières série 8-B liasse 100 (Photos DSCN 2413 à 2431)
Dans la nuit de mercredi à jeudi du 18 au 19 avril 1753, Claude TOUCHARD le fils demeurant à la Barre de Dienné et François REDON sortaient ensemble de la forge de Verrière. Sur le chemin menant à Dienné dans la forêt de Verrière ledit TOUCHARD a alors insulté le pauvre REDON et lui a assené des coups de pieds et de poings sur tout le corps, au point que ce dernier est depuis gravement malade et « en péril de mort », ensuite lui a pris de l’argent, les deniers de sa « majesté », François REDON étant « collecteur du vingtième », une procédure judiciaire est ouverte contre TOUCHARD. Le 23-04-1753 les témoins déposent devant Anthoine DELAUZON juge sénéchal criminel et civil de la baronnie de Dienné et Verrière, Anthoine GIRAULT 33 ans tavernier au moment des faits et à présent journalier demeurant au Puit de Lhommaizé déclare qu’il était dans son lit quand on frappa à sa porte, Françoise THOMAS sa femme âgée de 40 ans qui n’était pas couché ouvrit et « Jacques » REDON et Claude TOUCHARD qui voulaient boire demandèrent une bouteille de vin, REDON se contenta de boire un peu et l’autre le pressa de boire plus disant « bougre de chien vous de boire ou je vous bateray », REDON ne but que la moitié d’un verre et jeta le reste, TOUCHARD but tout le reste du vesseau. En partant TOUCHARD qui était derrière demanda un bâton à Françoise THOMAS, cette dernière refusa, il dit alors qu’il trouverait bien une panne à une charrette. Ensuite le tavernier et sa femme se couchèrent. La femme du tavernier fait une déposition similaire. Marie-Catherine RIBARDIERE 44 ans femme de Claude BOUE marteleur demeurant à Lhommaizé dit qu’elle ne sait rien des faits et que REDON comme collecteur du dixième était venu chez elle lui demander de l’argent, elle avait répondu qu’elle ne pouvait payer le jour même, ils lui prirent une bouteille et une miche de pain pour 5 sols moins un liard qu’ils consommèrent, REDON paya avec 12 sols, mais comme elle n’avait pas la monnaie TOUCHARD pris les 12 sols et lui donna 5 sols moins un liard, disant à REDON « c’est 7 sols et un liard ». Philippe MOTHEAU 22 ans garçon charbonnier demeurant dans la forêt de Verrière à Dienné dit qu’il ne sait rien sur les faits , qu’il a vu REDON et TOUCHARD boire ensemble. Marie GIRAULT 18 ans fille de Jacques GIRAULT meunier du moulin de la forge de Lhommaizé déclare qu’elle ne sait rien sur les faits et que TOUCHARD avait demandé à Pierre GIRAULT 15 ans son frère un bâton. Ce dernier confirme que REDON et TOUCHARD s’en allaient quand TOUCHARD qui marchait derrière lui demanda un bâton. Le sénéchal décide de faire comparaitre ledit TOUCHARD accusé de maltraitance sur la personne de Jacques ARDON (lire Jacques REDON) et de vol des deniers de sa majesté.

Tous ces protagonistes ont un lien avec la forge semi-industrielle de Verrière, lire « le Peuple de la Forêt » de Sébastien Jahan et Emmanuel Dion (voir illustration)


mercredi 28 mars 2018

Suicide prémonitoire.

Les mentions de suicide sont rares dans la Presse ancienne jusqu'au XXème siècle.
Mais avec les horreurs de la Grande Guerre tout change. 
21 aout 1914 dans la Presse régionale :




Sources : 

samedi 24 février 2018

Le cabinet de curiosités d'une archiviste - Par Sylvie Boudaud #Geneatheme -

Aujourd'hui,  Sylvie Boudaud, archiviste aux AD86, nous offre, à l'occasion du #Geneatheme de février, sa première contribution. Poussons la porte de son cabinet de curiosités, il nous mène en Vendée et nous conte une histoire mêlant l'insolite d'hier et les connaissances d'aujourd'hui...

Pierre Proust est mon sosa 1588, soit un de mes ancêtres à la 11e génération. Il est originaire de Saint-Germain-de-Prinçay, en Vendée. Le 17 février 1675, il épouse Jeanne Coullon, de la même paroisse. Le même jour, avec les mêmes témoins, Nicolas Proust épouse Anne Coullon. De là à supposer que les deux couples sont des frères et sœurs, il n’y a qu’un pas que j’ai franchi mais sans assurance. La difficulté de la généalogie à Saint-Germain-de-Prinçay à cette époque, c’est que les mariages ne sont quasiment jamais filiatifs, et c’est le cas dans les mariages qui nous intéressent ici.

Mariage de Pierre Proust et Jeanne Coullon[1] :



Mariage de Nicolas Proust et Anne Coullon :


Partant de l’hypothèse que Pierre et Nicolas sont frères, je lance une recherche sur la base Noms de Vendée et je trouve une fratrie avec un Pierre et un Nicolas nés à des dates compatibles avec leur date de mariage. Ils pourraient être les enfants de Mathurin Proust et de Renée François. La base mentionne quatre autres frères et sœurs.
Là survient la surprise ! Pierre est né le 12 novembre 1643, et sur la même double page du registre paroissial mais côté gauche, à la date du 3 octobre, figure Mathurine, fille des mêmes parents[2].

3 octobre 1643 :


12 novembre 1643 :


Des jumeaux ayant 40 jours d’écart ! Ma première réaction a été : « C’est impossible ! ». J’ai posé la question à @lulusorciere, connue pour ses connexions avec le milieu obstétrical poitevin. La réponse est tombée : c’est possible ! Très rare, même au XXIe siècle, mais possible. Il est question d’un utérus bifide ou bicorne, avec donc deux cavités. On me cite également quelques cas récents de naissance de « faux » jumeaux avec un à deux mois d’écart, le premier étant prématuré[3]. Mon moteur de recherche fait aussi mention de superfécondation (fécondation de deux ovules à quelques jours d’écart) et même d’hyperfoetation, soit la fécondation d’un ovule alors qu’un embryon est déjà implanté !
Dans quel cas se trouve Renée François ? Elle avait déjà accouché d’une paire de jumeaux, nés à la même date deux ans plus tôt et elle a ensuite eu deux autres enfants.
S’agit-il vraiment de mes ancêtres, dans la mesure où j’ai obtenu une filiation par déduction ? Ce n’est pas sûr. Mais, ancêtres ou pas, il semble bien que Mathurine et Pierre étaient frère et sœur, nés avec 40 jours de différence au XVIIe siècle !
Sylvie Boudaud




[1] Site des Archives départementales de la Vendée, Saint-Germain-de-Prinçay, registre des baptêmes, mariages et sépultures de 1671 à 1700, vue 20/144.
[2] Site des Archives départementales de la Vendée, Saint-Germain-de-Prinçay, registre des baptêmes d’octobre 1611 à janvier 1670, vue 85/144.
[3] http://www.leparisien.fr/laparisienne/societe/enfants/etats-unis-des-jumeaux-nes-a-39-jours-d-intervalle-22-06-2014-3943115.php





mardi 30 janvier 2018

Une drôle de pendentif - Les chroniques de Thierry Péronnet - #AD86



Il y a 35 ans dans la terre rapportée dans une petite cour privative devant un modeste logement route de Ligugé à Naintré St-Benoît à la porte de Poitiers fut découvert un pendentif bien étrange. Sur une des faces de l’objet de forme oblongue il y a en creux le dessin d’un oiseau à tête humaine avec une curieuse « coiffure de pirate » et une singulière queue, avec en bordure un texte illisible. Ses dimensions sont de 4 cm dans la longueur contre 2 cm et demi dans la largeur. Il s’avère que c’est la matrice d’un sceau, au vu des motifs et des lettres on peut le dater de la fin du 12ème siècle du début du 13ème siècle. La forme en amende est le signe distinctif des sceaux des femmes et des religieux. La gravure représente-t-elle une sirène des anciens grecs ? Est-ce un Tétramorphe symbolisant les quatre éléments dans l’antiquité, ou les quatre Evangélistes de la Chrétienté ? L’objet se portait passé autour du cou, attaché par un lacet. Dans la pointe au niveau de l’attache proprement dite du pendentif on distingue nettement une croix pattée.
L’impression dans la cire permet de lire le texte suivant S’.W’DE.CALVIGN’CAN’ST’PETRI.PVLL’ . Il s’agit d’un texte en latin avec des abréviations, S pour Sigillum (sceau), W pour Wilhemus (Guillaume), CALVIGN pour Calvignaco (Chauvigny), CAN pour Canonicus (chanoine), ST pour Sancti (Saint), PETRI (Pierre), PVLL (PULL) pour Puellier, texte que l’on peut transcrire en « sceau de Guillaume de Chauvigny chanoine de St-Pierre-le-Puellier ». On retrouve dans le « Recueil des sceaux du moyen âge, dits sceaux gothiques », auteur le Marquis de Migieu, la description d’un sceau du 13ème siècle, un sphinx ayant une tête humaine avec un capuchon le corps et les pattes d’un oiseau et la queue d’un dragon, avec l’inscription S. JOHIS ANGELI JOHIS NICOLAI, cette description ressemble trait pour trait à la figure gravée sur la matrice du sceau. Sur le dessin proprement dit on retrouve la forme en amende et la croix pattée. Le Sphinx est un Tétramorphe et le symbole des quatre apôtres Marc Luc Jean et Matthieu.
On ne trouve nulle part ailleurs trace d’un Guillaume de Chauvigny chanoine de St-Pierre-le-Puellier. Comme la famille De Chauvigny n’existe pas, il serait tentant de l’assimiler à Guillaume De Montléon fils de Oger de Montléon et de Agnès ses père et mère, dont le frère Guy De Montléon a vendu en 1295 à l’évêque de Poitiers le fief de Chauvigny et la tour d’Oger. Mais la matrice du sceau doit datée autour de 1200 et les religieux de l’époque avaient pour patronyme un prénom accolé à leur lieu d’origine, ainsi si un Thomas religieux était originaire de la ville de Cordes en Albigeois, il se nommerait Thomas de Cordes (Corda Codra ou une écriture voisine en latin). Il est plus raisonnable de penser que « de Chauvigny » correspond à la ville d’origine du chanoine, ce Guillaume dont le sceau nous est parvenu devait être un clerc venant de Chauvigny et devenu chanoine du chapitre de St-Pierre-le-Puellier.
La collégiale de St-Pierre-le Puellier était influente et riche, hélas l’église du même vocable a disparu, heureusement il existe à Poitiers une rue à son nom permettant de la situer. Par Google View on peut voir dans le haut de cette voie un élargissement de la chaussée un peu avant le raccordement avec la rue St-Vincent-de-Paul, en aval de cet élargissement il y a une maison avec une fresque représentant des personnes montant un escalier extérieur, on doit être à l’emplacement de l’église ou juste à côté, en amont du même élargissement quelques mètres plus haut au niveau du petit passage sous porche devait se trouver l’église de Notre-Dame-la-petite.
En conclusion, un simple objet, pouvant être pris pour un jouet d’enfant, trouvé dans la terre par une personne les yeux fixés sur le bout de ses chaussures plutôt que regardant fièrement devant elle, peut se révéler être une porte ouverte sur notre passé, sur le Moyen Age, sur un personnage inconnu par ailleurs.
(Chauvigny St-Pierre-le-Puellier)


mardi 23 janvier 2018

Apothicaires - La Chronique de Thierry Péronnet - Dossier de presse.



Dans un article de la NR du 03-08-2012 « les médecins qui soignaient les rois » Robert Ducluzeau interrogé cite un certain François Citoys médecin. Ce François Citoys fut docteur régent de la faculté de médecine de Poitiers, il finit par être le médecin de Richelieu et du roi Louis XIII. C’est le fils d’un apothicaire et le petit-fils d’un imprimeur. Les Citoys habitaient dans une boutique d’apothicaire à Poitiers qui existe toujours, c’est la pharmacie du Marché le long de Notre-Dame-la-Grande dans le prolongement de la Grand-Rue. Si on ne connait pas la date de construction de cette boutique on peut en revanche connaitre celle de la façade. Elle date de 1573-1574, le propriétaire a passé un contrat avec un maçon conservé aux archives départementales, avec le plan de la façade joint, on y reconnait les corniches délimitant chaque niveau, les fenêtres à meneaux qui subsistent dans celle du troisième étage et l’œil de bœuf tout en haut du pignon en particulier.

On trouve le portrait en pied de François Citoys aux archives de la Vienne, dans une série inachevée de 8 portraits des régents de la faculté de médecine faits avant 1620. On peut se poser les questions de savoir qui a fait ces portraits, quand ont-ils étaient faits et pourquoi sont-ils inachevés. L’auteur de ces peintures c’est Pierre Lepilleur décédé en 1619-1620, qui signe d’une main tenant une plume. Certains détails des portraits inachevés vont dans ce sens, en particulier il dessine des doigts longs, effilés et qui rebiquent vers le haut comme dans sa signature. Son décès en 1619-1620 expliquerait le non achèvement des peintures. Il est marié avec Françoise Demarnef fille d’une autre famille d’imprimeurs de la cité Pictave. Radegonde Demarnef la tante de cette dernière est mariée avec Thomas Garnier un apothicaire père d’un autre Thomas Garnier apothicaire et grand-père de Jean Garnier docteur régent de la faculté intronisé en 1621 par François Citoys lui-même. La maison et la boutique d’apothicaire des Garnier étaient situées contre la tour Maubergeon dans le square Jeanne d’Arc actuel, vis-à-vis des « Dames de France » et fut détruite au milieu du 19ème siècle.


La coutume voulait qu’à l’intronisation d’un nouveau régent à la faculté le père de l’intronisé offre un banquet en l’honneur des régents. Celui-ci aurait-il payé en plus la réalisation de leurs portraits pour favoriser les desseins de son fils, en flattant leur vanité ?

mardi 9 janvier 2018

Sécurité routière à Rouillé - Les chroniques de Thierry Péronnet - #AD86 - Dossier de Presse.


Au XVIIème déjà la circulation routière est une des premières causes de décès accidentel... 

Justice seigneuriale de Rouillé - AD86 série 8-B liasse 264 
Le 05-03-1680 vers les 5 heures du soir, Pierre POUPIN sénéchal de la châtellenie de Rouillé se rend sur le chemin qui va de Rouillé au village de Laugerie, au coin du bois de Sainsault un corps sans vie a été trouvé. Jacques BRACONNIER fils mineur de feu Pierre BRACONNIER, demeurant chez GUITON de la métairie de Laugerie, vient de mourir la tête enfoncée dans la boue, écrasée par une charrette. Comme il allait bientôt faire nuit, ledit sénéchal fait retirer le cadavre de la vase pour ne pas le laisser ainsi toute la nuit et le fait porter au logis de la Croix-Blanche à Rouillé dans une chambre haute où il est procédé aux investigations dès le lendemain. Le cadavre est vêtu d’un méchant habit de serge maculé de boue, il n’a pas de chapeau, Charles SACHER chirurgien l’examine et constate qu’il n’y a aucune blessure, seulement une contusion allant du « sainsiput jusqu’à la nucle du col » (de l’occiput à la nuque), pouvant provenir d’une chute ou de l’action d’un instrument contendant. Gabrielle MORILLON âgée de 13 à 14 ans fille de François MORILLON hôte* du bourg de Rouillé témoigne. La veille étant aux champs au lieu-dit Sainsault vers les 3 à 4 heures du soir elle vit Jacques BRACONNIER âgé de 15 à 16 ans conduisant une charrette à vide tirée par deux bœufs, elle dit qu’il allait vite, qu’il était assis sur l’aiguille derrière les bœufs « jambe de çà jambe de là », piquant les bœufs un aiguillon à la main et chantant à haute voix. Elle rajoute qu’au bout de l’allée de Saintsault il voulut tourner vers Laugerie mais qu’une roue de la charrette monta sur une butte de terre et que ladite charrette se retrouva alors sens dessus dessous dans un bourbier. Elle vit alors ledit Jacques BRACONNIER tombé la tête la première dans la boue où il s’étouffa. Elle rapporte qu’ensuite elle courut chercher du secours. Louis DOUSSET journalier du bourg de Rouillé témoigne qu’il bêchait dans son jardin près de Sainsault quand la fille de François MORILLON lui dit que Jacques BRACONNIER avait la tête dans la boue, il vit alors ledit BRACONNIER la tête enfoncée dans la boue sous le ranchet** de la charrette et ensuite lui et d’autres personnes relevèrent la charrette. François MORILLON 36 ans hôte du bourg de Rouillé raconte que la veille le fils de la femme du nommé GUITON lui avait apporté des fagots dans une charrette que Jacques BRACONNIER vint chercher, ensuite il fut surpris d’apprendre par sa fille partie garder les brebis que ledit BRACONNIER était mort dans la boue. Quelques jours après Louis MACOUIN, curateur des enfants mineurs de feus Pierre BRACONNIER et de Louise PRIOUX, procède à la vente des biens délaissés par les parents, Jacques BRACONNIER était un des mineurs.

*hôtelier **ranchet : ridelle de la charrette

mardi 2 janvier 2018

Le converti d'Enjambes. Les Chroniques de Thierry Péronnet - #AD86



 

Note de Lulu : Cette rubrique fait le pari du plaisir de la VO, et vous offre le loisir de déchiffrer vous-même ces archives anciennes. Elle donne aussi à chacun une petite idée du travail de recherche, de lecture, de paléographie que représente un article de 2600 caractères espaces compris dans votre quotidien régional.  Bonne lecture ! 












Le premier dimanche de mars 1665 un homme, brave parmi les braves, un nommé Izaac Bourreau, habitant dans le faubourg de Lusignan, tout heureux, tout fier de lui, adepte jusqu’à lors de la Religion Prétendue Réformée (RPR) s’est converti dans l’église de St-Martin d’Enjambes à l’heure de la messe, avec grand renfort de cloches, d’encens, l’autel recouvert du corporal brodé de fil d’or, devant les bons frères Capucins présents, devenant un bon catholique apostolique et romain pour l’éternité. Sa famille, femme enfants et gendre compris, ses voisins, tous adeptes de la RPR lui tombèrent alors dessus, ils le molestèrent, ils le traitèrent de « fol » de « vieux fou », l’appelèrent « Jean de la Messe ». Ils tirèrent au chapeau et se distribuèrent ses meubles entre eux, sa femme son fils sa fille et son « prétendu » gendre le quittèrent. Il se retrouva tout seul, fort dépourvu comme la cigale l’hiver venu, plus de meubles, de cavale *, de petite gorette à 5 livres de valeur, plus de femme et d’enfants, plus de devoir conjugal, plus de lit pour dormir. Mais diantre, que s’était-il passé dans la tête du pauvre homme, lui qui était si benaise au milieu de sa femme, de ses enfants, de ses meubles, de ses braves voisins tous de la même religion que lui, bien au chaud au cœur de son quartier ? Pourquoi a-t-il eu cette saugrenue idée d’abjurer au risque de tout perdre? Un indice, une piste de réflexion peut-être, quatre mois auparavant sa femme avait discrètement remis 12 louis d’or et 20 livres à une bonne voisine, en lui demandant de lui garder pour le mariage de sa fille. Peut-on penser que ledit Izaac Bourreau n’était pas très chaud pour futur mariage de sa fille adorée ? Qu’il ne devait pas beaucoup apprécier un certain Renou cordonnier, son futur « prétendu » gendre ? Aurait-il mal supporté de perdre toute autorité sur sa famille et 12 louis d’or en prime? Pour tout cela et aussi poussé par le jeune et dynamique prêtre curé prieur de St-Martin d’Enjambes, le vénérable messire Anthoine Beauvillain ** âgé de 33 ans, il se serait peut-être dit qu’il retrouverait la maîtrise des évènements en devenant un bon catholique et qu’il pourrait ainsi s’opposer efficacement à la célébration dudit mariage, récupérer son honneur et ses louis d’or et avant tout reprendre une place enviable au sein du tissu économique et social de la bonne ville de Lusignan. Mais hélas trois ou quatre fois hélas, la suite lui aurait donné tort.

*Une cavale c’est un cheval, le scooter des temps jadis


**Il est appelé « grand beelard de curé » « grand asnier » par une justiciable dans une autre procédure la même année