jeudi 5 mars 2015

Une femme en 1730 - Lulu Sorcière Archive dans Centre Presse - 05/03/2015.


Source AD 86 - Pour bien visualiser l'image, cliquez droit et ouvrir dans une nouvelle fenêtre. 


 Au répertoire des Petites Affaires Criminelles de la Vienne, la femme qui n’a pas encore sa journée,  n’est pas toujours l’avenir de l’homme.

Le soir du 3 Juillet 1730, Jean Bonneau, marchand, 32 ans, arrive à cheval dans les prés de la cure de Latillé, déterminé à y laisser brouter sa monture. Mais c'est compter sans la détermination de l'exploitante des lieux, Catherine Delamosse. Elle interpelle le cavalier, le somme de partir. Il la bouscule, elle se relève et lui envoie son sabot tout crotté à la figure ! Assommé, Bonneau fait marche arrière tandis qu’une équipe de gaillardes vient à sa rescousse se charger de la vilaine : sa femme, Marie Cante, et ses trois belles-sœurs, Gabrielle, Renée et Jeanne. Suit un sacré crêpage de chignons qui  interloque le voisinage et se termine, outrage suprême, par la mise en pièces de la coiffe de Catherine, qui s'enfuit tête nue, honteuse, sous la risée de certains. Tête nue, voilà une offense qui mérite réparation ! Au XVIIIème siècle, honte à celle qui sort « en cheveux » !
Agressée à nouveau par les mêmes furies, quatre jours plus tard, Catherine porte plainte. Tout le village est en émoi et le sénéchal instruit rapidement l'affaire. 
Les témoignages recueillis le 8 juillet sont concordants : l'altercation à l'initiative de Bonneau, le coup de sabot, et suite au coup, l'oeuf de pigeon (qui n’a peut-être que la taille d'une fève), la fureur des femmes, la coiffe déchirée, la honte...  
Une expertise médicale de la plaignante est demandée auprès du chirurgien local. Celui-ci constate des blessures superficielles, auxquelles s’ajoute, suite à la seconde agression, une fièvre pour laquelle il prescrit une saignée. 
L’histoire pourrait se réduire à une savoureuse affaire de gaillardes au marché de Latillé et prêter à sourire. D’autant plus qu’à la suite de Catherine, Jean Bonneau  porte plainte à son tour. On diligente alors une nouvelle enquête, on interroge une nouvelle série de témoins, qui apporte un éclairage différent. Le ton devient plus grave. Ce n'est plus un, mais plusieurs coups de sabots que le pauvre homme aurait subi et la réaction des femmes Cante en réponse l’agression apparait par conséquent, tout à fait justifiée. Il faut dire que cette fois, fini la journée des femmes, seuls les hommes sont entendus…
Le sénéchal doit statuer le 10 Juillet, mais au matin de ce jour-là, coup de théâtre !
Un bruit lui arrive du marché : Jean Bonneau est mort ! 
La farce tourne au tragique ! La responsabilité de Catherine est retenue, la voilà  immédiatement arrêtée et conduite en prison, pour y être de nouveau interrogée.
Jean Bonneau, lui, est enterré, entouré des femmes de sa famille et de son beau-frère. Il laisse à la charge de sa veuve, deux jeunes enfants Renée deux ans et Jeanne Geneviève, deux mois.
L’archive, hélas, ne dit pas ce qu’il advint de notre Cendrillon rebelle de Latillé…

Source : AD86 Série 8 B 170.



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