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Itinéraire d’un ouragan.
Il est des ouragans sans nom qui laissent sans voix. Celui
qui dévasta le Poitou, le 3 juillet 1777 fut de ceux-là. Quarante paroisses
concernées, maisons dévastées, arbres arrachés, récoltes perdues. Le jour
d’après, treize curés et les Affiches du Poitou racontent. Parmi eux, la plume
de Maignen à Champniers s’envole.
"Le trois de juillet le Seigneur fit entendre sa voix (…).
Vers les cinq heures du soir il ordonna au vent, à l'eau, au feu, au tonnerre,
de se mêler et confondre ensemble pour former un tourbillon horrible
destructeur de la plus précieuse portion de nos arbres (…) Mon pinceau n'est
pas assez fort pour en tracer le tableau ; je frémis d'y penser. J'appelle à
moi dans ce moment toutes mes pensées, mes sentiments et tout cela bouillonne
dans ma tête, il me semble jusque sur le papier j'éprouve en même temps que,
malgré l'effervescence de mes efforts, toute l'énergie de l'expression ne peut
se proportionner à ce que je voudrais exprimer. »
« Figurez-vous donc une obscurité effrayante que les
plus vifs éclairs n'interrompent que pour exciter dans le fond de l'âme un
saisissement qui recommence à tout instant, on ne distingue point dans
l'instant lequel des éléments dont la toute puissante main de Dieu a rompu
l'équilibre fait le plus de fracas, l'éclat du tonnerre intercepté ne le
propage point jusqu'à l'oreille, mais il n'en faut pas douter il est dans cette
affreuse discordance la plus forte voix.
La terre comme
ébranlée ne peut retenir les arbres, les uns tombent en entier couvrant un
terrain considérable ensemencé, d'autres perdent leurs branches que le
tourbillon disperse au loin et de tous côtés. Le fracas de leur chute n'est
point entendu un moindre bruit est absorbé par le plus grand, Dieu qui nous
ménage en nous frappant semble cacher les convulsions de la nature pour ne pas
tant effrayer ceux qui, surpris par l'orage, dans les chemins, se jettent dans
des fosses sous les haies pour attendre pendant une heure et demie quel sera
leur sort.
Retiré dans mon église j'attendais aussi avec la frayeur
d'un pilote qui tient à peine le gouvernail, la fin de la tempête, et pour
rentrer dans ma maison il m'eut fallu un bateau, la rivière domestique que la
pluie avait formé ne s'écoula pas aussitôt que je l'aurais souhaité… Mais
j'étais le moins à plaindre Tout le public gémissait non seulement sur le mal
déjà fait mais encore sur le danger que la moisson semblait courir …. Lorsqu’enfin
le ciel tout à coup redevint serein, sécha la faucille du moissonneur….
Conclusion : un
évènement de cette conséquence sera l'époque la plus remarquable de l'année mil
sept cent soixante dix sept, il doit nous pénétrer de reconnaissance de ce que
Dieu en brisant les arbres s'est contenté d'avertir les habitants de la terre. »
Nous devons aux colistiers de GE86 la traque de ce souffle
dans les archives. Parmi eux, Sébastien Pissard pour Champniers et Alain Texier
qui a illustré l’itinéraire de cet ouragan. Vous trouverez sur le blog et sur
GE86, le dossier complet de cet ouragan sans nom.
Sources :
-
Archives de la Vienne.
-
Archives insolites GE86.
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