(Présidial
de Poitiers 1-B-2-2 greffe criminel) (DSCN 3703 à 3718)
Le 07-07-1678 au matin à 4 heures et demi François BENET
marchand de Poitiers se rendait à sa boutique quand, à sa grande surprise, il
vit une corde d’une longueur d’une aune pendant le long de la muraille proche
la grande porte du palais de justice du côté de Notre-Dame-la-petite. Cette
corde était attachée en haut de la couverture du grenier de la chambre
criminelle. Il partit alors en courant au guichet du palais pour avertir le
concierge, il vit deux ou trois ardoises cassées au sol, il apprit alors que le
prisonnier surnommé BELLEJAMBE accusé d’assassinat venait de s’échapper.
Laurent FOURESTIER un gantier de 35 ans avait bien entendu dans la nuit des
bruits d’ardoises se brisant mais il ne se leva pas de son lit, ce n’est que
plus tard qu’il apprit l’évasion de BELLEJAMBE. Estienne AUGEREAU l’aîné 30 ans
un marchand était au lit avec sa femme quand dans la nuit vers les 2 heures il
entendit des bruits d’ardoises qui se fracassaient, craignant que des voleurs
s’attaquent à ses fenêtres il se leva pour aller voir. Il vit un homme à terre
vêtu d’une seule chemise blanche, comme s’il venait de tomber de l’auvent des
boutiques de POIRIER et BOURGEOIS touchant l’arrière de l’allée du palais.
Comme l’homme se releva et qu’il prit la fuite vers les Cordeliers ou les
Jacobins, il crut que c’était un voleur qui en voulait aux boutiques, mais
comme leurs fermetures n’avaient rien et il se recoucha. Ce n’est que plus tard
qu’il apprit que BELLEJAMBE s’était échappé en passant sur ces boutiques.
Une enquête est ouverte pour comprendre comment a pu se
faire cette évasion, pourquoi l’accusé a été transféré en un endroit d’où il a
pu si facilement s’échapper. François GAULTIER 42 ans, le concierge du palais
royal et geôlier de BELLEJAMBE, interrogé déclara qu’il était cloué au lit par
la goutte depuis 7 semaines, que BELLEJAMBE avait été mis dans un cachot les
fers aux pieds depuis un an et qu’il venait d’être transféré dans le cachot
appelé le « petit cachot » proche de la chambre criminelle où il s’y
trouvait depuis 3 semaines. Il n’avait pas pu visiter le prisonnier chaque jour
car il était au lit avec la goutte, mais sa femme et ses enfants faisaient les
visites. On lui présenta des fers trouvés dans le petit cachot qu’il reconnut
comme étant ceux du prisonnier. Eléonore RAVEAU 38 ans sa femme déclara à son
tour que c’est elle qui, avec JOUBERT, avait transféré le prisonnier au petit
cachot sur ordre écrit de l’intendant, elle rajouta qu’elle a visité le
prisonnier et vérifié ses fers la veille de l’évasion vers les 8 heures du
soir, elle reconnut les fers aux anneaux limés qu’on lui présenta. François ALLARD praticien 30 ans, le mardi
précédent l’évasion, alla voir un certain GUILLEBOT en la prison de la
conciergerie, BELLEJAMBE qui était dans le cachot voisin l’interpella alors, il
lui dit « monsieur ALLARD je suis votre serviteur, au premier jour nous
boirons ensemble si monsieur GAULTIER veut souffrir que vous entriez en ce
lieu », après lui avoir demandé de se coller au mur il lui dit tout bas
« je vous prie de faire mes baise mains à madame votre femme et lui dire
que je la prie d’entendre la messe à Notre-Dame lundi mardi et mercredi
prochain, même dès demain, et qu’elle prie Dieu pour moi, pour que l’un de ces
jours là j’espère avoir bonne issue de mon affaire ». Il apprit l’évasion
le jeudi suivant.
Apparemment les autorités cherchaient des complicités et en
premier lieu si le concierge ou sa femme pouvaient être impliqués. Au vu du
témoignage de monsieur ALLARD et des surprenants propos du prisonnier, il
semblerait que ledit BELLEJAMBE préparait son audacieuse escapade depuis
quelques temps.