mardi 26 décembre 2017

L'homme au chapeau noir. Les Chroniques de Thierry Péronnet.




Le mystérieux homme au chapeau noir : (DSCN2355 à 2379)
 
Le 05-02-1698 le procureur de la cour de Rouillé, ayant appris que Jeanne ESMERIAU veuve Jean GUITTON du village de la Gauvanière de Rouillé a été assassinée et enterrée secrètement sans que la justice fut prévenue, décide d’ouvrir une information. Pierre âgé de 13-14 ans fils de Jacques GARGOT du même village témoigne, il dit qu’il vit le mercredi 29 janvier vers les 3 heures de l’après-midi dans un pré, appartenant à la défunte, ladite ESMERIAU, son fils et Louis FOUQUAULT leur valet, que celle-ci s’interposa entre son fils et un homme assez grand, aux cheveux noirs grands et plats, vêtu de gris et portant un chapeau noir, proche de la claie du champ, il déclare ensuite que l’homme donna un coup d’épée à ladite ESMERIAU qui s’écria « je suis morte », ensuite il vit l’homme partir vers la métairie de l’Ausonnière, il rajoute que le fils, Jonas VINCELOT et Jeanne CHARGELEGUE la femme de Pierre CHAISGNEAU emportèrent ladite ESMERIAU dans sa maison où elle décéda, le témoin persiste dans sa déposition. Jacques 10 ans fils de Jacques MOCQUILLON laboureur du même village parle d’un homme vêtu d’une sarge grise et fait une déposition similaire. Ce serait donc l’acte d’un mystérieux homme vêtu de noir et portant un chapeau noir ? La justice soupçonneuse et intrigué par l’enterrement secret décide d’emprisonner Jean GUITTON le fils de la défunte sous l’accusation d’homicide pour l’interroger et approfondir les faits. Jean GUITTON l’accusé âgé de 26 ans laboureur est alors appelé à témoigner à son tour devant Pierre POUPIN juge sénéchal de Rouillé le 06-02-1698, il déclare que sa mère gardait les brebis dans le pré, qu’en revenant de fagoter des branches de chênes il s’arrêta pour discuter avec sa mère, il dit alors que l’homme déjà décrit s’en pris à lui, qu’il le repoussa hors du champ et qu’ensuite il s’en retourna chez lui quand il entendit sa mère crier « je suis morte », il rajoute qu’il revint vers elle et la ramena dans sa maison avec l’aide de VINCELOT et CHARGELEGUE où elle mourut une demie heure plus tard. Interrogé pourquoi il ne porta pas plainte et sur ce qu’il fit du corps de sa mère, il déclare qu’il ne savait pas ce qu’il fallait faire en pareil cas et que sa mère avait été inhumée par des personnes qu’il ne connait pas dans un jardin inconnu de lui. Il lui est reproché de ne pas dire toute la vérité, à quoi le prévenu persiste dans ses dires. POUPIN le juge interroge ensuite d’autres témoins du même hameau, Pierre RIVAULT 72 ans journalier dit qu’il a aidé à l’enterrement au soleil couchant le lendemain, Jeanne CHARGELEGUE 29 ans femme de Pierre CHAIGNEAU déclare avoir porté la mourante avec VINCELOT et que cette dernière avait du côté droit une blessure « large comme le dedans de la main ». Jonas VINCELOT 27 ans laboureur, parent de degré éloigné de la défunte, rapporte les mêmes faits et rajoute qu’il assista à l’inhumation dans un jardin à « une portée de mousquet de ce lieu ». Catherine GUITTON sœur de l’accusé et fille de Jeanne ESMERIAU dit qu’au moment des faits elle était au marché à Lusignan, elle refuse de donner le lieu de la sépulture et déclare que « que toute la terre est bonne pour enterrer les corps quand ils sont morts ». Au vu des divers témoignages concordants la cour décide de décharger de toutes charges l’accusé, de le libérer et de lever les sceller sur ses trois coffres. On a affaire à des familles de protestants nouveaux convertis, en cette fin de 17ème siècle ils sont soumis régulièrement à la pression et aux tracasseries des autorités qui se méfient d’eux, ce qui explique leur réticence à faire appel à la justice, même pour un homicide, et pourquoi ils préfèrent enterrer leurs morts discrètement sans la présence du curé catholique.
 
(Sources AD86 série 8-B liasse 264 justice de la seigneurie de Rouillé)