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Il n'y a pas d'époque pour la violence conjugale.
Il n'y a pas d'époque pour la violence conjugale.
Elle se déchaina atrocement ces dernières semaines dans la Vienne.
On la qualifie d’un autre âge, et pourtant, elle interpellait déjà au
XVIIème !
Liglet, 1691. François Bichier, curé, désigne sur son registre
paroissial, Louis MONTETAUD. Sans doute l’a-t-il nommé aussi à la messe du
dimanche, tentant par ses prêches de vaincre ce fléau ordinaire qui touchait si
gravement les femmes de l’ancien Régime. Dans le silence des villages endormis,
cette violence tue.
Louis MONTETAUD vit à Journet. Il n'est plus tout jeune. Tous ses
enfants sont partis de la maison. Avec Marie, ils en eurent sept. Qu’importe. Au
bout de sa vie de misère, rien n’apaise la colère de cet homme, attisée par
l’alcool. Louis frappe sa femme tant et
tant, et depuis tant de temps, que plus personne ne l’entend faire. Ce soir-là,
Marie BONNEAU pleurait-elle trop ? Un
mois avant, sa fille Anne mourait. Elle venait de mettre au monde deux petites
filles, l’une des deux l’accompagna dans la tombe. Marie pleure sa fille, sa
petite fille et Louis frappe. Epuisée, blessée, laissant son époux ivre de
haine, Marie fuit enfin, profitant du sommeil de son bourreau. La route est
longue, 12 km pour trouver refuge à Liglet chez son gendre, Pierre BIDEAU et sa
fille cadette Jeanne.
Marie se repose enfin, mais ne va toujours pas mieux. Elle est
sans doute venue trop tard. Le 12 mars, Jeanne appelle le curé. Marie lui confie
dans son dernier souffle qu'elle meurt à cause des coups subis : des coups de
genoux et des coups de bâton dans l'estomac. Les coups de Louis, son époux. Il
n'y a pas d'époque pour la violence conjugale. Il n'y a pas d'âge non plus. La
pauvre Marie BONNEAU avait « soixante et quelques années »...
L’histoire devrait s’arrêter là. Mais autour de l’acte de décès de
Marie Bonneau, le registre chuchote.
Cinq jours après la mort de sa mère, le curé de Liglet enterre Jeanne,
et la semaine suivante Pierre Bideau ! Que se passe-t-il dans cette maison
? La colère de Dieu s’est trompée de cible, elle s’est abattue sur tout le
village ! En cinq mois, il va mourir à Liglet 32 âmes, dont les 2/3 ont
moins de 40 ans, la mortalité annuelle habituelle est multipliée par deux en
seulement un semestre. Etrangement, dans la maison des Bideau, les trois petits
orphelins de 9, 5 et 2 ans vont survivre.
Etrangement le curé ne s’étonne pas de cette hécatombe dans sa
paroisse.
Cette violence mystérieuse et extraordinaire aura-t-elle arraché
quelques larmes au regard embrumé de Louis Montetaud, qui a perdu cette
année-là six membres de sa famille ? Seul à Journet, le vieil homme mourra à
son tour le 6 décembre de la même année à l’âge de 70 ans. Il n’y a pas d’âge
pour la violence ordinaire.
Analyse intéressante et fouillée.
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