Décembre 2013, Janvier 2014, de la Bretagne au Var, les
inondations gravent leur sillon de douleur dans l’esprit des hommes, qui, impuissants face au désastre, interrogent la mémoire des anciens. De mémoire d’homme, a-t-on
jamais vu tel désastre ? Quand ? Où ? Jusqu’à quelle
hauteur ?
De mémoire de curé poitevin, les crues de 1740 furent telles
qu’il reste de leur passage de profondes traces d’encre. La Creuse à Leugny et à Buxeuil, la Gartempe à Antigny, La Clouère à
Marnay, le Clain à Poitiers.
Ecoutons le curé de Ste Radegonde, qui eut de nouveau les
pieds dans l’eau en 1747, et vint ajouter sur son registre un petit paragraphe
en bas de page, léguant à la postérité une analyse météorologique comparative.
« C’est la nuit du cinq au six décembre que le Clain
choisit de sortir de son lit, entre onze heures et minuit ! Il passa
par-dessus les remparts, fendit les murs du prieuré de Ste Radegonde, monta
dans les chambres et envahit même le tombeau de la Sainte jusqu’à sept pieds de
hauteur ! Ce phénomène météorologique ne fut pas exclusif au Poitou. La
France entière fut inondée, les ravages effroyables, les pertes infinies, et
les noyades extrêmement nombreuses. Un fléau de Dieu sans aucun doute… selon notre
homme !
A Antigny, la Gartempe déborda la même nuit, en 24 heures.
Personne au village ne l’avait jamais vue si grande ! Figurez-vous qu’elle
arriva à la porte de Louis Aubin et même à celle de Pierre Guenachon !
Elle emporta les arcades du pont de Montmorillon, fendit les murs et les
maisons et couta plus de cent mille livres à la ville !
A Buxeuil, la Creuse aussi était en colère. Elle se déversa
dans l’église, jusqu’au grand autel, mais ne fit heureusement que peu de dégâts.
La voilà à 36 pieds de hauteur ! Elle détruisit 7 à 8 maisons, et même
parmi les plus solides du bourg, et les pauvres paroissiens ne sauvèrent
presque rien de leurs effets !
A Leugny aussi on
compare. En 1792 la crue, plus forte de trois pieds que celle de 1740,
atteignit le cimetière comme elle l’avait déjà fait alors ! Cette nuit du
5 décembre elle monta plus haut que jamais homme ne l’avait vu, allant au pied
de la Croix du cimetière, où il y eut trois pieds d’eau ! On exposa dans
l’église le Saint Sacrement, on dit une messe et l’eau cessa de monter !
Mais le mal était fait. Son cours avait été si rapide, que les terres étaient
creusées, les plaines couvertes de pierres et de sable, les meubles des maisons
emportés, les particuliers ne sauvèrent que leur pauvre vie, abandonnant leur maison
à cette eau impitoyable.
Survenu le 5 décembre dans le Poitou, le phénomène toucha
tout le royaume et au-delà jusqu’au mois de janvier. Les pluies incessantes,
amenèrent la Seine à son plus haut niveau le 21 Décembre : 7,9 m au pont
de la Tournelle, inondant la capitale.
Cette crue centennale occasionna des pertes matérielles considérables et un
nombre de noyades effroyable. Au plus
loin de la mémoire des curés de la Vienne, on se souvient en 1615, de la colère
des eaux de l’Envigne et de la Creuse, racontée par les curés de
Scorbé-Clairvaux et de de Buxeuil .
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