Note de Lulu : Cette rubrique fait le pari du plaisir de la VO, et vous offre le loisir de déchiffrer vous-même ces archives anciennes. Elle donne aussi à chacun une petite idée du travail de recherche, de lecture, de paléographie que représente un article de 2600 caractères espaces compris dans votre quotidien régional. Bonne lecture !
Le
premier dimanche de mars 1665 un homme, brave parmi les braves, un nommé Izaac
Bourreau, habitant dans le faubourg de Lusignan, tout heureux, tout fier de
lui, adepte jusqu’à lors de la Religion Prétendue Réformée (RPR) s’est converti
dans l’église de St-Martin d’Enjambes à l’heure de la messe, avec grand renfort
de cloches, d’encens, l’autel recouvert du corporal brodé de fil d’or, devant
les bons frères Capucins présents, devenant un bon catholique apostolique et
romain pour l’éternité. Sa famille, femme enfants et gendre compris, ses
voisins, tous adeptes de la RPR lui tombèrent alors dessus, ils le molestèrent,
ils le traitèrent de « fol » de « vieux fou », l’appelèrent
« Jean de la Messe ». Ils tirèrent au chapeau et se distribuèrent ses
meubles entre eux, sa femme son fils sa fille et son « prétendu »
gendre le quittèrent. Il se retrouva tout seul, fort dépourvu comme la cigale
l’hiver venu, plus de meubles, de cavale *, de petite gorette à 5 livres de
valeur, plus de femme et d’enfants, plus de devoir conjugal, plus de lit pour
dormir. Mais diantre, que s’était-il passé dans la tête du pauvre homme, lui
qui était si benaise au milieu de sa femme, de ses enfants, de ses meubles, de
ses braves voisins tous de la même religion que lui, bien au chaud au cœur de
son quartier ? Pourquoi a-t-il eu cette saugrenue idée d’abjurer au
risque de tout perdre? Un indice, une piste de réflexion peut-être, quatre mois
auparavant sa femme avait discrètement remis 12 louis d’or et 20 livres à une
bonne voisine, en lui demandant de lui garder pour le mariage de sa fille.
Peut-on penser que ledit Izaac Bourreau n’était pas très chaud pour futur
mariage de sa fille adorée ? Qu’il ne devait pas beaucoup apprécier un
certain Renou cordonnier, son futur « prétendu » gendre ?
Aurait-il mal supporté de perdre toute autorité sur sa famille et 12 louis
d’or en prime? Pour tout cela et aussi poussé par le jeune et dynamique
prêtre curé prieur de St-Martin d’Enjambes, le vénérable messire Anthoine
Beauvillain ** âgé de 33 ans, il se serait peut-être dit qu’il retrouverait la
maîtrise des évènements en devenant un bon catholique et qu’il pourrait ainsi
s’opposer efficacement à la célébration dudit mariage, récupérer son honneur et
ses louis d’or et avant tout reprendre une place enviable au sein du tissu
économique et social de la bonne ville de Lusignan. Mais hélas trois ou quatre
fois hélas, la suite lui aurait donné tort.
*Une
cavale c’est un cheval, le scooter des temps jadis
**Il
est appelé « grand beelard de curé » « grand asnier » par
une justiciable dans une autre procédure la même année