mercredi 16 janvier 2013

Staff au CHU d'Arçay (86) - 1699



On ne dira jamais assez combien l'orthopédie d'aujourd'hui doit aux pauvres laboureurs du Poitou d'hier !
Que penser d'autre de cet épisode ?
Nous verrons prochainement qu'à Arçay , non contents d'être bavards, pour notre plus grand plaisir, les curés sont un peu carabins. Il leur arrive de diagnostiquer les pathologies de leurs paroissiens.
Est-ce à l'initiative du curé Aubry que fut convoqué tout un convoi de chirurgiens autour de la blessure de François Lhonneur ?
Le pauvre homme tombe de sa charrette,  accident banal, fréquemment mentionné dans les registres, ici et là. La roue lui passe sur la cuisse entrainant une blessure "des plus extraordinaires" qui survient le premier du mois de septembre 1699.
Aubry nous décrit la plaie : elle est ouverte, fractures multiples, plaies vasculaires, nerveuses, musculaires, contusions diverses, gros délabrements.
Quatre jours après, huit carabins et non des moindres se penchent sur son cas.
Voyez plutôt : Le Sieur Durival docteur de médecine de Paris, établi à Loudun (9km), le Sieur Le Noir de Thouars (20km), les sieurs Caillain, Pondartin, Desarennes, Le Suire, La Tour et Boutiller que je n'ai pas pu hélas localiser.
Fichtre, ça fait du monde pour un staff sans smartphone !
Tous ces chirurgiens se réunissent le même jour, soit 4 jours après l'accident, dans la chambre du malheureux blessé.
Ils examinent la plaie, font le bilan des délabrements et réfléchissent "mûrement".
Les doctes avis divergent.
L'acharnement thérapeutique a ses adeptes, la médecine palliative ses partisans.
Ainsi, certains souhaitent l'amputer tandis que d'autres, considérant la gangrène qui gagne déjà le bas ventre du blessé, savent qu'il est trop tard. Ils proposent par des incisions multiples de soulager le malade en drainant l'infection.
La sagesse l'emporte, sous l'oeil attentif du curé, qui a sa p'tite idée en matière d'éthique.

 Dès que la rimbabelle de mandarins a passé la porte, François Lhonneur rend son âme à Dieu dans un dernier soupir de soulagement.

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Je suis allée faire ma curieuse dans l'excellent et fort documenté bouquin de Robert Ducluzeau "Poitevins, médecins des Rois". Il faut toujours avoir son Ducluzeau à portée de clavier. Mais je n'ai hélas,trouvé aucun des chirurgiens du CHU d'Arçay.
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Comme la Sorcière, l'Ours fait son miel des Archives Insolites, toujours avec beaucoup d'humour et d'humanité, pour notre plus grand plaisir. Filez-y dévorer un autre épisode d' "Arçay, ton univers impitoyable". 

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BMS 1693/1702 page 41
François Lhonneur laboureur agé de quarante cinq ans est décédé après
avoir reçu les sacrements de l'église le cinquième septembre 1699 Sa
mort causée par un funeste accident il tomba le premier du dit mois de sa charette
dont la roue luy passa sur la cuisse qui fit un tel désordre dans cette partie de
son corps que les os, en furent tous fracassés les nerfs les muscles les artères
tellement contus quil fut impossible de les réunir : cette playe des plus extraordinaires
fut vue par nombre considérable de médecins et chirurgiens très habiles par
le Sr Duridal docteur de médecine de Paris recemment éstably à loudun le
Sieur Le Noir médecin de Thouars les sieurs Caillain, Pondartin, Desarennes, Le
Suire, La tour, Boutiller tous chirurgiens partie desquels après avoir

murement considéré les fracas de ce membre affligé
furent d'avis de l'amputer mais les autres
plus pytoiables voyant qu'il estait inutille
de tenter cette opération à cause que la gangrène
avait déjà saisi le bas ventre jugèrent qu'il valait
mieux faire de profondes incisions pour découvrir davantage le mal. Toute la
précaution qu'on apporta pour la guérison de ce pauvre homme ne servirent de rien
car il mourut une heure après que le corps de médecine se fut retiré de sa chambre.
Aubry.Curé.



5 commentaires:

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  2. Ah! Si Jean Valjean était passé dans le secteur , il aurait soulevé promptement la charrette !
    Bises
    Tonton


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  3. Pauvre homme, et tout ca sans antidouleurs .... ca fait relativiser nos bobos

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  4. Merci Gloria pour toutes tes anecdotes si agréables à lire ... enfin anecdotes pour nous mais pas pour ce pauvre homme !

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